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L’expression de la violence dans la poésie

« Gabriel Péri »
Au Rendez-vous allemand, Paul ELUARD



Un homme est mort qui n’avait pour défense
Que ses bras ouverts à la vie
Un homme est mort qui n’avait d’autre route
Que celle où l’on hait les fusils
Un homme est mort qui continue la lutte
Contre la mort contre l’oubli

Car tout ce qu’il voulait
Nous le voulions aussi
Nous le voulions aujourd’hui
Que le bonheur soit la lumière
Au fond des yeux au fond du cœur

Il y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots innocents
Le mot chaleur le mot confiance
Amour justice et le mot liberté
Le mot enfant et le mot gentillesse
Et certains noms de fleurs et certain noms de fruits
Le mot courage et le mot découvrir
Et le mot frère et le mot camarade
Et certains noms de pays de villages
Et certains noms de femmes et d’amis
Ajoutons-y Péri
Péri est mort pour ce qui nous fait vivre
Tutoyons-le sa poitrine est trouée
Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux
Tutoyons-nous son espoir est vivant


EXPLICATION :
Paul Eluard (1895-1952) est mobilisé en 14 mais il revient rapidement pour cause de réformeà aversion pour la guerre : en 1918, il publie des Poèmes pour la paix, en 1937 le célèbre poème sur « La Victoire de Guernica » qui marque une solidarité pour le peuple espagnol. En 1940, il rentre à Paris. En 42, adhère au PC pour la 2e fois (26-33) et entre ainsi dans la clandestinité. Occupation : Le Livre Ouvert (1940), Poésie et Vérité (1942), Au Rendez-vous allemand (1944).
Il consacre un poème à Gabriel Péri pour célébrer le martyr de la résistance = symbole de la lutte pour la liberté et la fraternité. 3 strophes en vers libres centrés autour d’une puissante antithèse : vie/mort. Mort = inacceptable, mais paradoxalement utileàprise de conscience, engage à l’action.

I)Une mort inacceptable
Thème de la mort exprimé de manière singulière.
· 1ère imageàanaphore vers 1, 3 et 5 ; cet homme est identifié au vers 23 et 24 àPéri = tous les hommes défenseurs de la paix.
· Les ennemis ont voulu abattre cette volonté de paix : les vers1, 3 et 5 reproduisent la brutalité de la fusillade.
· 1ère strophe : mort brutale, incompréhensible, injuste (cf. récurrence du mot « mort » + Images des vers 2 et 4 construis en symétrie : vers 2, image de vie qui domine sous une forme simple et naïve ; vers 4, image du combattant, militant -cf. vers 3 : « route »-).
· En censurant le message d’espoir de Péri, les ennemis lui redonnent force et vie !

II)Une mort utile
- Paradoxe sensible dès la fin de la 1ère strophe : le présent remplace l’imparfait. Péri = porte-parole, son combat se transmet. Mot central : « oubli » dont la négation (cf. « contre ») structure le reste du poème.*
- 2ème strophe : * Utilité de la mort (cf. « car » placé en tête).
· Sa mort a un sens : « continue la lutte » (v 5) + récurrence du mot « contre » au vers 6.
· Sa mort est en elle-même une négation de la mort car il est mort au nom d’un idéal. Cet idéal est présenté sommairement par « tout » mais en réalité cela montre que toutes les idées sont reprises ; le combat continue pour les mêmes idées (cf. v 7 et 8 : ilànous)
· Sa mort = relais entre le passé et le présent (cf. répétition du verbe vouloir). Le message transmis est un message d’amour et de fraternité (cf. « bonheur » et « lumière »). Il voulait ancrer le bonheur en tout être : « au fond de » + rime « lumière-terre ». Ce bonheur est réellement accessible car il provient de la régularité de la justice entre les hommes.
- Enumération des vers 13 à 32 : * On note d’abord la récurrence de « mots » et de « noms » qui représentent des symboles ; connotation positive de cette strophe ; valeurs exprimées, défendues : amour et fraternité.
· Mots abstraits, solennels à luttes de l’époque (justice, liberté, courage, camarade). Mots à connotation affective àévocation des cercles restreints et chaleureux (chaleur, confiance, amour, enfant, gentillesse, frère, femmes, villages, amis).
· Ces idées enserrent l’alexandrin central : vers 18 à notion de vie (cf. v 13), de fertilité, de beauté et de bonheur.
· Dévoilement du nom de Péri à la fin. Nom qui rassemble, mot qui fait vivre (cf. répétition de tutoyer). Chiasme v23 et 24 = incantation : Péri est l’éveilleur des consciences ; par sa mort, il ramène de la mort à la vie (cf. évolution début/fin du poème). La Mort est enfin surmontée au nom de la vie. Péri est le prophète de la paix.

Double valeur :
° Dénonce la mort injuste et inacceptable. Pour cela Eluard exalte les valeurs de vie, d’amour et de fraternité.
° Rôle du poète dans le combat de la résistance. Mots = actes ; poète = relais ; l’écriture fait vivre. Le poète a pour mission de lutter, il fait partie de la communauté nationale (cf. « nous ») à il a le droit et même le devoir d’interpeller le lecteur. Par l’écriture il est le gardien de la mémoire nationale, de l’Histoire.

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